Thèmes

homme image vie blog monde homme chez enfants mer france article femme travail mort png divers création annonce cadre internet nature nuit bienvenue texte fille femmes you loisirs rose peinture sommaire hiver google pensée news voiture bande éléments pouvoir sport solidarité richesse bretagne revenu affiche

Rubriques

>> Toutes les rubriques <<
· Actualités (1987)
· International (768)
· Billet du jour (1328)
· Poesies (92)
· Articles du jour (43)
· Congrès du PCF 2016 (39)
· OUEST-BITERROIS (18)
· Contributions (20)
· MONTADY (10)
· évènements (5)

Rechercher
Derniers commentaires Articles les plus lus

· Le billet du jour par COB
· Réserve
· Dans le Finistère, la fronde qui menace la FNSEA
· Le catalogue français de l'optimisation fiscale
· Fermetures à la chaîne dans les supérettes Casino

· La difficile traque des commanditaires du 13-Novembre
· International
· Billet du jour
· Pas de « droit à l’erreur » pour les allocataires
· Articles du jour
· Le gendre du roi Juan Carlos dormira en Prison...
· EN FRANCE, LES PLUS RICHES - 1% DE LA POPULATION...
· Doyen Sports: Une pieuvre aux connexions mafieuses
· La double billetterie, de la fédération de rugby
· Les aventures offshore de Bernard Laporte,

Voir plus 

Abonnement au blog
Recevez les actualités de mon blog gratuitement :

Je comprends qu’en m’abonnant, je choisis explicitement de recevoir la newsletter du blog "pcfob" et que je peux facilement et à tout moment me désinscrire.


Statistiques

Date de création : 03.03.2015
Dernière mise à jour : 03.09.2025
4451 articles


Calais jour après jour

Calais jour après jour: comparution immédiate pour des manifestants
9 novembre 2015 | Par La rédaction de Mediapart

La « new jungle » de Calais est une honte nationale. Mediapart chronique au jour le jour l'évolution de la situation sur place. Dernière mise à jour le 25 janvier, au

 

 

Aux yeux du monde entier, la lande de Calais où se retrouvent plusieurs milliers de migrants en attendant de rejoindre la Grande-Bretagne est devenue une indignité française. Les personnes manquent de tout : d'un toit pour se mettre à l'abri des intempéries, de points d'eau, de soins. Comment les autorités publiques ont-elles pu laisser se dégrader la situation au point d'être condamnées par la justice pour avoir « porté une atteinte grave et manifestement illégale »au droit de la population du camp « à ne pas subir de traitements inhumains et dégradants »?

Alors que l'Europe est confrontée à l'exode le plus massif depuis la Seconde Guerre mondiale, la France se transforme en pays de transit. Les migrants n'envisagent a priori pas de s'y installer. Mais parce que le gouvernement fait office de garde-barrière pour l'Angleterre, les exilés s'entassent – et dépérissent – à la frontière.

  • 25 janvier. Des manifestants jugés en comparution immédiate 

Six migrants et deux militants altermondialistes No Borders seront jugés lundi 25 janvier en comparution immédiate pour s'être introduits illégalement samedi soir sur un ferry (lire ci-dessous), a annoncé le procureur de Boulogne-sur-Mer, Jean-Pierre Valensi. Ces migrants, de nationalités afghane, soudanaise et érythréenne, ainsi que les deux militants français, sont poursuivis pour «infraction au code des transports» et s'exposent à une amende de 3 750 euros et 6 mois de prison, a précisé le procureur lors d'une conférence de presse à Calais en présence de la préfète du Pas-de-Calais.

La maire de la ville, Natacha Bouchart, le député PS du Pas-de-Calais, Yann Capet, et le président de la région, Xavier Bertrand, seront reçus le 3 février par le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, et son homologue de la Justice, Christiane Taubira. Dimanche, la maire de Calais a estimé que « ce qu'il s'est passé hier (samedi) est un échec du gouvernement ».

Bernard Cazeneuve a souligné de son côté la « détermination totale du gouvernement à assurer l'ordre public à Calais ». Le ministère a rappelé dans un communiqué le versement de 50 millions d'euros dans le cadre d'un «contrat territorial», ainsi que le renforcement des mesures de maintien de l'ordre, notamment à travers la mobilisation depuis plusieurs mois de 17 unités de forces mobiles (compagnies de CRS et escadrons de gendarmes mobiles).

Samedi 23 janvier, le port de Calais a été bloqué pendant plus de trois heures après la montée d'une cinquantaine de migrants sur un ferry à la suite d’une manifestation, rassemblant 2 000 personnes. Selon la préfecture du Pas-de-Calais, 24 migrants ont été interpellés sur le ferry.

  • 24 janvier. Vives tensions après une manifestation.

Les incidents ne sont pas rares à Calais. Ce point de passage vers l’Angleterre connaît régulièrement des assauts regroupant parfois plusieurs centaines de personnes qui tentent de forcer les barrages et les barrières de sécurité, en direction des camions qui s’apprêtent à embarquer.

Samedi 23 janvier, l’intrusion a toutefois eu un caractère exceptionnel. Environ 150 assaillants ont réussi à pénétrer dans l’enceinte du port. Plusieurs dizaines d’entre eux se sont directement introduits à bord du ferry Spirit of Britain, en provenance de Douvres. Le port a été bloqué pendant plus de trois heures avant que les migrants ne soient évacués par la police, qui a eu recours à une passerelle mobile pour faire la jonction entre le quai et le bateau.

Peu auparavant, une manifestation en faveur des exilés avait réuni près de 2 000 personnes dans les rues de Calais. Des Français, Anglais, Italiens, Belges mais aussi de nombreux migrants avaient défilé depuis le bidonville qui jouxte la ville, près de la rocade portuaire, pour réclamer « des conditions d’accueil dignes ». Le 11 janvier, un centre d’accueil provisoire (CAP) pouvant accueillir 1 500 migrants a bien été inauguré à Calais. Mais cela reste très largement insuffisant.

Selon la préfecture du Pas-de-Calais, 24 migrants ont été interpellés sur le ferry et emmenés dans les locaux de la police de l’air et des frontières (PAF) à Coquelles, près de Calais. Onze autres personnes, des militants du collectif « No Border », ont subi le même sort.

Même si les circonstances restent pour l'heure floues, il semblerait qu'un migrant ait eu un malaise cardiaque pendant l'intervention. Son corps, filmé inanimé, a provoqué la plus grande inquiétude pendant quelques heures. Selon paris-luttes.info, ce malaise se serait produit suite à des coups de matraque de policiers. L’homme ne serait cependant plus en danger.

L’intrusion a poussé le président du port de Calais à demander « une réunion de crise extrêmement rapidement avec les responsables locaux, régionaux, parlementaires et du gouvernement » estimant « que ça ne pouvait plus durer ».

Les politiques ont embrayé : « L’attitude des No Border à Calais est scandaleuse : il faut des sanctions ! Je demande au gouvernement une réunion de crise en urgence », a affirmé sur Twitter le nouveau président de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, Xavier Bertrand.

La maire LR de Calais, Natacha Bouchart, a quant à elle regretté « des débordements sérieux » en centre-ville. Elle a rapporté que la statue du Général de Gaulle et de sa femme avait été taguée. « Une nouvelle fois, la preuve est faite par l’exemple que les manifestations organisées par des pseudo-défenseurs des migrants ont essentiellement pour vocation de perturber la vie économique », a-t-elle déclaré.

 

La situation se tend également entre habitants. Si certains se montrent solidaires des migrants, d’autres les prennent en grippe, au point qu’un engrenage de violences ne peut être exclu – des migrants ont déjà été tabassés par le passé.

 

Sur le chemin de la manifestation, des actes d’hostilité ont d’ailleurs été constatés. Une habitante de Calais a menacé les manifestants depuis sa fenêtre. Un Calaisien a été photographié un fusil à la main, à quelques mètres seulement de migrants. Des militants de « Sauvons Calais », groupuscule d’extrême droite, ont multiplié les provocations (voir le reportage de Libération

« La Grande-Bretagne doit faire davantage pour résoudre le problème », a estimé samedi le leader de l’opposition britannique, le travailliste Jeremy Corbyn, alors qu’il était en déplacement dans le camp de migrants de Grande-Synthe (2 500 migrants), à seulement 40 km de Calais. « Certaines personnes sont ici depuis des mois, voire plus, dans le froid, dans l’humidité, sans éducation correcte, sans accès aux médecins, ni aux dentistes et avec un accès limité à la nourriture. Ces conditions sont une honte. »

  • 14 janvier 2016. En échange des containers, l'État veut faire disparaître la « jungle »

La « jungle » de Calais a commencé à rétrécir. Mercredi 13 janvier dans l'après-midi, les premières cabanes, transportées à bras d'hommes, se déplaçaient dans le bidonville, pour obéir à l'injonction de la préfecture de laisser une bande de terre vierge de 100 mètres autour du bidonville, côté chemin des dunes, et côté rocade. C'est une première étape, puisque l'intention affichée de l'État est de faire disparaître l'actuelle « jungle », comme il en a fait disparaître d'autres avant elle. En mars dernier, les autorités préfectorales avaient pourtant désigné, avec l'aide de la maire Natacha Bouchart (LR), cet espace dunaire le long de la rocade portuaire et proche d'usines Seveso comme le seul lieu toléré pour les migrants. Elles avaient même demandé aux associations d'aide aux migrants d'accompagner ceux qui squattaient en ville et sur le site voisin de l'usine Tioxide pour les aider y à déménager leurs affaires. Aujourd'hui, elles demandent aux

 

Objectif : éloigner les exilés, d'une part des maisons des riverains – excédés entre autres par les heurts avec les CRS, et les tirs de gaz lacrymogènes certaines nuits –, et d'autre part de la rocade, leur accès vers le port. Le no man's land ainsi créé, et terrassé, devrait « permettre aux forces de l'ordre de se prépositionner en contrebas, là où se trouvent les tentes », explique-t-on à la préfecture. C'est-à-dire empêcher aux exilés d'accéder à la rocade, où ils tentent de provoquer des embouteillages en plaçant des troncs d'arbres ou des objets métalliques sur la route, pour pénétrer dans les camions. C'est une demande du président de la Chambre de commerce de Calais, le patron du port, Jean-Marc Puissesseau, qui réclamait 200 mètres, selon La Voix du Nord.

En même temps, l'État tente de convaincre les quelque 500 migrants concernés d'aller s'installer dans les containers blancs du Centre d'accueil provisoire qui a ouvert lundi 11 janvier, et qui peut accueillir jusqu'à 1 500 personnes. La préfète Fabienne Buccio avait déclaré le 5 janvier qu'elle voulait faire baisser le nombre de migrants à 2 000 à Calais. La rumeur dans le bidonville – venue d'une injonction non-officielle des service préfectoraux – fixait à mercredi soir le dernier délai pour déménager, avant l'arrivée des bulldozers. Officiellement, l'État affiche plus de souplesse. « Si on voit qu'il y a un mouvement, on laissera aux gens le temps de se déplacer. Mais la préfète souhaite que ça aille vite », explique-t-on.

« Le ministre de l'intérieur souhaite que plus personne ne dorme dehors. » Vœu pieux pour l'instant puisqu'il y a au moins 4 000 exilés dans la « jungle » de Calais, et qu'il n'y a que 1 900 places à l'abri (les 1 500 des containers, et 400 places au centre Jules-Ferry pour les femmes et les enfants). L'État propose aux 2 000 restants la possibilité de demander l'asile en France, ou de s'offrir un « répit » en montant dans des bus qui les éloignent du Pas-de-Calais. Ou on les arrête au moment des tentatives de passage pour les envoyer dans des centres de rétention à l'autre bout de la France. C'est le cas d'Abdollah, ancien infirmier en Iran, qui dit avoir purgé 15 ans de prison pour son opposition au régime. « Maintenant, je fais de la prison en France. Et ici, la "jungle", c'est comme si on était en prison aussi. » La plupart visent encore l'Angleterre. Mais à moins d'avoir entre 5 et 6 000 euros à donner à un passeur, c'est devenu presque impossible.

« Ce n'est que le début », disait hier Baraa, un professeur d'anglais syrien de 31 ans rencontré dans les dunes. « D'abord les premiers 100 mètres, et ensuite le reste. Ils ne peuvent pas tout démolir en une fois. » Pour marquer la limite des 100 mètres – qui sont parfois plus de 100 –, les services de l'État ont tagué de la peinture rose sur les fourrés, sur le sol, sur les poteaux électriques. Rachid, 25 ans, à la tête d'un restaurant et d'une échoppe à l'entrée de la « jungle », soupire : ses magasins sont juste dans le périmètre. Il est là depuis six mois. « On en construira d'autres », dit son employé. « Et s'ils les détruisent aussi, on ira en Angleterre. »

  • 13 janvier 2016. Eurotunnel inonde ses accès

Pour empêcher les migrants d’accéder à son site, le groupe Eurotunnel a inondé les terrains à proximité, comme l’a révélé La Voix du Nord ce mercredi 13 janvier. La direction de l’entreprise ne cache pas ses motivations. « Le terminal, surélevé, est construit sur une zone marécageuse, explique un porte-parole d’Eurotunnel. Depuis la construction du site, un système de drainage avec des watergangs existe. On utilise ce réseau pour créer des obstacles naturels qui empêchent l’accès aux clôtures. » Précédemment, le site avait été déboisé afin d’empêcher les migrants de se cacher dans les buissons avant de tenter le passage. Sur 103 hectares, la végétation avait été rasée. Le système « anti-intrusion » est particulièrement élaboré : il comporte un dispositif de contrôles infrarouges ou par ondes millimétriques passives ainsi que des clôtures électrifiées et des scanners. À cela devrait s’ajouter prochainement la plantation de « haies défensives » avec des épines.

  • 11 janvier 2016. Le « camp humanitaire » promis cet été ouvre ses portes

Il aura fallu quatre mois et demi pour que l’engagement de Manuel Valls d’installer à Calais un « camp humanitaire » aux normes internationales se concrétise. Lundi 11 janvier, les premiers déménagements des cabanons vers des containers ont eu lieu. Les premières 144 personnes, des familles considérées comme prioritaires, n’ont eu que quelques mètres à parcourir. Le nouveau Centre d’accueil provisoire, susceptible d’accueillir 1.500 personnes, se situe dans la « jungle », non loin du Centre d’accueil Jules-Ferry, ouvert en mars 2015, à quelques kilomètres du centre-ville.

Ces deux lieux, gérés l’un et l’autre par l’association La vie active sous contrat avec l’État, sont complémentaires : le premier met à disposition pour la nuit des couchages chauffés à l’abri des intempéries, tandis que le second, ouvert uniquement le jour (sauf pour 400 femmes et enfants qui peuvent y dormir), propose un repas par jour, une douche (au prix de longues files d’attente) et des soins.

Pour la première fois depuis décembre 2002, quand le hangar de Sangatte avait définitivement fermé (alors qu’il abritait encore 1.600 personnes) après trois années de fonctionnement, des migrants vont dormir au chaud avec un toit sur la tête. Les logements sont sommaires : il s’agit de 125 espaces modulables de chantier en métal blanc déposés les uns à côté des autres prévus pour accueillir 12 personnes chacun. Dans le centre, le sol est plane, propre et sec, ce qui fait une différence de taille avec le terrain boueux et chaotique de la lande.

Mais des inconvénients font que certains réfugiés, en transit vers la Grande-Bretagne, hésitent à s'y rendre. En l’absence d’arrivées d’eau, il n’est en effet pas possible de se laver dans les containers, ni de faire la cuisine, ni de laver son linge. En revanche, sous un préau, des prises électriques permettent de recharger les téléphones portables, outils de communication centraux dans la vie des migrants.

Venus principalement d’Afghanistan, de Syrie, d’Iran, d’Irak, de Somalie et d’Érythrée, ces derniers pourront entrer et sortir à leur guise de ce centre équipé de vidéo-surveillance, dont l’accès sera réservé aux personnes identifiables par un système d’analyse morphologique 3D de la main. « C’est juste un système de reconnaissance permettant l’accès à la structure. Il ne s’agit pas d’empreintes digitales. Les données des personnes ne seront pas enregistrées ou exploitées à des fins d’identification pour la police », assure la préfecture à La Voix du Nord. Selon le quotidien, l’association gestionnaire prévoit d’accueillir 50 personnes supplémentaires chaque jour afin d’occuper 750 places à court terme.

En contrepartie, une partie de la « jungle » devrait être détruite dans les prochains jours, a prévenu la préfète du Pas-de-Calais, Fabienne Buccio, dont l’objectif est d’éloigner les migrants de la rocade sur laquelle ceux-ci se rendent la nuit dans l’espoir de monter dans les remorques des camions. En raison de l’hyper-sécurisation des lieux, les passages clandestins sont de plus en plus difficiles, au bénéfice des réseaux mafieux qui garantissent la traversée en échange de plusieurs milliers d’euros (les tarifs varient comme à la Bourse en fonction de l’offre et de la demande – plus la frontière est imperméable, plus les prix augmentent).

« Notre objectif est que plus aucun migrant ne dorme dehors sur la lande », a déclaré la représentante de l’État à l’AFP avant l’ouverture du nouveau centre. Mais les pouvoirs publics ne s’en donnent pas complètement les moyens puisque le nombre de personnes vivant dans les cabanons oscille entre 4.000 et 7.000, selon les sources et les moments. Pour « désengorger » la « jungle », l’État poursuit donc sa stratégie parallèle de dispersion des réfugiés, en les incitant à demander l’asile en France, en effectuant des reconduites à la frontière à la suite d’interpellations et en les décourageant de rester en les harcelant à l’aide de techniques de maintien de l’ordre (usage récurrent de grenades lacrymogènes).

Conséquence collatérale de ces pratiques : des camps de fortune se créent ailleurs sur le littoral, comme à Grande-Synthe près de Dunkerque, où le nombre de résidents est passé de quelques dizaines à près de 3.000 en peu de temps. Là, le maire EELV Damien Carême a moins traîné. À force de pression sur les pouvoirs publics, il vient d’obtenir la création d’un « camp humanitaire » dans sa ville. La préfecture a donné son aval lundi 11 janvier, à l’issue d’une réunion de ses services, de la mairie et de Médecins sans frontières (MSF), pour la création de 2.500 places au chaud.

MSF estime avoir besoin de quatre semaines pour construire, comme il le fait dans des zones de guerre ou en cas de catastrophe naturelle, un village de 500 tentes. Dans le camp actuel, les conditions de vie sont dramatiques, la police bloquant l’entrée pour empêcher l’introduction de matériel de construction.

À Calais, alors que l’ouverture du « camp humanitaire » s’accompagne d’une présence renforcée des forces de police, le nouveau président de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (LR) Xavier Bertrand a profité de l’occasion pour faire entendre sa voix. « Je demande l’armée pour venir en soutien aux forces de l’ordre qui depuis des mois et des mois n’en peuvent plus », a-t-il déclaré le 11 janvier, réitérant une requête formulée pendant la campagne des régionales. « Ils sont accueillants les gens du Calaisis, mais ils n’en peuvent plus », a-t-il ajouté.

  • 8 janvier 2016. La « jungle » bombardée de gaz lacrymogène

Alors que la préfecture prévoit de débuter lundi 11 janvier le déménagement des migrants dans un « camp humanitaire », les forces de l’ordre, pour la troisième nuit consécutive, ont bombardé la « jungle », où vivent plusieurs milliers de personnes, y compris des femmes et des enfants, de jets de gaz lacrymogène. Des vidéos mises en ligne sur le site d’activistes Calais Migrant Solidarity montrent des nuages de fumée envahissant le bidonville. En atteignant les cabanons, l’explosion des grenades produit d’immenses étincelles, susceptibles de mettre le feu à l’ensemble des habitations, celles-ci étant fabriquées à partir de matériaux inflammables. Certaines grenades arrivées à l’horizontal touchent directement des groupes de migrants, laissant supposer qu’elles sont envoyées à tir tendu, ce qui est théoriquement interdit. Cette situation suscite une excitation sur le campement, des réfugiés renvoyant les grenades ou lançant des pierres.

 

Envois de gaz lacrymogènes dans la « jungle » de Calais

 

« En ce moment, c’est toutes les nuits », raconte à Libération un Iranien qui ne participe pas aux heurts. « Tout le monde mange du gaz. Les calmes et les énervés. Les familles qui n’ont rien demandé à personne, comme les autres. » Selon lui, une centaine de grenades seraient envoyées chaque nuit. Un militant du réseau No Border également cité par Libération qualifie cette stratégie policière de « punition collective ». « La nuit, la jungle est en état de siège. La police bloque les gens. En retour, ces jeunes qui viennent de pays en guerre le vivent comme un jeu. C’est tragique. »

La justification de la préfecture est stupéfiante : elle explique la réaction des forces de l’ordre comme une « réponse à des tentatives de blocage de la rocade portuaire ». Autrement dit, d’éventuelles infractions à un endroit se traduiraient par des envois massifs de grenades lacrymogènes à un autre. Le « camp humanitaire » est prévu pour accueillir 1 500 personnes alors qu’entre 4 000 et 7 000 migrants survivent dans la « jungle ».

  • 7 décembre 2015. La préfète prend un arrêté anti-migrants au prétexte de l’état d’urgence

À Calais, la répression contre les migrants s’intensifie. Dans un arrêté en date du 1er décembre 2015, la préfète du Pas-de-Calais, Fabienne Buccio, annonce que toute personne circulant à pied sur la rocade menant au port de Calais sera punie de six mois de prison et 7 500 euros d’amende. Ce texte infra-législatif, à effet immédiat, vise les « personnes installées sur la zone adjacente dite “camp de la lande” ». Autrement dit, les quelque 4 500 migrants, selon l’estimation de la préfecture, vivant dans la misère dans la « jungle » en attendant de passer en Grande-Bretagne.

Ces exilés en transit en France n’étant pas autorisés à entrer légalement en Angleterre longent en effet fréquemment cette route nationale (RN 216) dans l’espoir de monter clandestinement dans les remorques des camions. Cela crée des embouteillages, regrette la préfète, qui s’inquiète également des tensions que cela provoque entre les migrants et les forces de l’ordre.

Signalé sur le blog Passeurs d’hospitalités, l’arrêté précise par ailleurs que les personnes présentent dans la zone d’interdiction doivent se soumettre au contrôle de leur identité, et ce, donc, sans que cela ne nécessite l’autorisation du procureur. Ce faisant, en plus d’être soumises à la peine prévue, les personnes risquent d’être placées en rétention pour défaut de titre de séjour.

La préfète utilise le prétexte de l’état d’urgence pour prendre cet arrêté. Pourtant le lien entre la situation post-attentats et les stratégies de passage des migrants n’est pas établi dans le texte. « On note au passage que sous l’état d’urgence, une simple décision administrative du préfet peut transformer le fait de marcher à un endroit donné en un délit passible de prison », note le militant blogueur Philippe Wannesson, qui rappelle que la Déclaration universelle des droits de l’Homme garantit par son article 13 le droit de quitter tout pays y compris le sien, et que la Convention de Genève reconnaît aux réfugiés le droit de franchir toute frontière pour se mettre en sécurité.

  • 2 décembre 2015. Le Contrôleur dénonce un usage « détourné de la procédure » à propos des placements en rétention massifs

Alors que Bernard Cazeneuve vient de se faire rappeler à l’ordre par le Conseil d’État (voir plus bas la décision du 23 novembre lui ordonnant d’aménager la « jungle »), c’est désormais au tour du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) de mettre en cause sa politique à Calais. Est visé cette fois-ci le placement en rétention de plusieurs centaines d’exilés dans le but de « désengorger » la lande où environ 4 500 d’entre eux, selon la préfecture, patientent en attendant de passer clandestinement en Grande-Bretagne.

Dans ces recommandations publiées mercredi 2 décembre, Adeline Hazan, à la tête de cette autorité indépendante, dénonce « un usage détourné de la procédure de placement en rétention administrative » (lire nos articles iciet ). Elle observe que les pouvoirs publics ont commencé à contourner la loi à partir du 21 octobre, date à laquelle le ministre de l’intérieur s’est rendu sur place. Jusqu’au 10 novembre, selon les chiffres qu’elle s’est procurés, 779 personnes ont été interpellées et envoyées dans des centres de rétention administrative (CRA) aux quatre coins de la France.

Au regard des éléments recueillis lors de visites de contrôle inopinées, le CGLPL considère que la privation de liberté a davantage été utilisée pour éloigner les personnes de Calais que pour permettre à l’administration de mettre en œuvre les mesures de reconduite à la frontière, ce qui correspond pourtant à sa fonction.

La majorité des personnes prises dans les mailles du filet étaient originaires de pays en guerre (y compris de Syrie, d’Irak et d’Érythrée), dans lesquels elles ne pouvaient en pratique pas être expulsées, compte tenu des risques encourus pour leur intégrité physique en cas de retour forcé. Dès lors, il était prévisible qu’elles seraient pour la plupart libérées. De facto, 578 l’ont été. « La procédure est utilisée non pas aux fins d’organiser le retour dans les pays d’origine mais dans l’objectif de déplacer plusieurs centaines de personnes interpellées à Calais et de les répartir sur l’ensemble du territoire français, et ce dans le but de “désengorger” la ville. Il s’agit là d’une utilisation détournée de la procédure qui entraîne des atteintes graves aux droits fondamentaux des personnes ainsi privées de liberté », insiste Adeline Hazan, demandant à ce que le gouvernement mette un terme à cette pratique, également dénoncée par les associations de défense des droits des étrangers réunies dans l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE) (lire leur lettre ouverte au premier ministre rendue publique le 1er décembre).

Outre ce principe bafoué, le CGLPL fustige la manière dont les migrants ont été traités. Des « transferts groupés » – le plus souvent par bus – de Calais aux CRA de Metz, Marseille, Rouen-Oissel, Paris-Vincennes, Toulouse-Cornebarrieu, Nîmes et le Mesnil-Amelot lui paraissent contrevenir au droit qui, comme pour n’importe quel justiciable, prévoit que les procédures sont individualisées. Adeline Hazan critique ainsi « un traitement de masse des déplacements induisant une prise en charge collective et sommaire qui prive les personnes de l’accès à leurs droits ». Plus précisément, elle observe des « atteintes au droit au maintien des liens familiaux », principe constitutionnel, en rapportant que des membres d’une même famille se sont plaints d’avoir été séparés, diverses associations ayant signalé que des mineurs se retrouvaient seuls dans la « jungle » à la suite d’éloignements contraints de leurs proches.

L’accès aux droits et à l’information n’a pas non plus été suffisant, estime le CGLPL. La notification des décisions administratives s’est déroulée de manière « grandement insatisfaisante », selon les contrôleurs ayant suivi le déroulement de la procédure entre le 26 octobre et le 10 novembre. Ces derniers notent des « notifications collectives dans des lieux particulièrement occupés et bruyants » ainsi que de « mauvaises conditions d’interprétariat, voire l’absence d’interprète (remplacé par la remise de documents écrits) ». Ils critiquent par ailleurs le « manque d’informations sur la vie au CRA et les missions des associations d’aide juridique ».

Observant que les exilés se sont vu remettre des formulaires de décisions, pour certains préremplis, recourant à des motivations identiques, les contrôleurs dénoncent « des actes stéréotypés et des procédures non individualisées sources d’imprécisions et d’irrégularités ». « Ces documents, manifestement préparés à l’avance, témoignent d’une absence d’examen de la situation individuelle de chaque personne », remarquent-ils.

Les conditions matérielles d’exécution des mesures, enfin, sont insatisfaisantes au point de « porter atteinte à la dignité » des personnes concernées, selon le CGLPL qui a notamment constaté, à l’hôtel de police de Coquelles, que les cellules étaient suroccupées. « La grande majorité des personnes dormait à même le sol, certaines sans couverture », soulignent les contrôleurs. Le personnel policier est également en état de surchauffe, regrettent-ils, observant que les agents sont « épuisés », les services « désorganisés », les uns et les autres étant soumis à une « forte pression »

Avec ces recommandations sans concession, le Contrôleur risque de s’attirer les foudres du ministre de l’intérieur de moins en moins ouvert à la critique. Bernard Cazeneuve a récemment répondu par le mépris à la sénatrice EELV Esther Benbassa (lire ci-dessous) qui l’interrogeait en séance sur ces mêmes pratiques. Lui reprochant de ne pas avoir évoqué ses actions « humanitaires » (la mise à l’abri pour un mois d’un millier d’exilés – également envoyés aussi loin que possible de Calais), il a multiplié les attaques, allant jusqu’à l’accuser « d’instrumentaliser la question migratoire à des fins politiques ». Perdant son sang-froid, il a comparé son attitude, non pas à celle des élus de droite… mais à celle des rangs de l’extrême droite.

  • 30 novembre 2015. Les migrants interdits de piscine

Une vingtaine d'organisations principalement associatives, parmi lesquelles le Gisti, la LDH, Médecins du Monde et Terre d'errance, ont saisi lundi 30 novembre le procureur de Boulogne-sur-mer et le Défenseur des droits à propos du changement des conditions d'accès à la piscine Icéo à Calais visant, selon les déclarations de la maire LR de la ville Natacha Bouchart, à limiter, voire à exclure la présence des migrants (lire l'article de La Voix du Nord).

  • 23 novembre 2015. Le conseil d'État ordonne à Cazeneuve d'aménager la « jungle »

Victoire juridique confirmée pour les associations qui exigeaient l'amélioration des conditions sanitaires dans la « jungle ». Le conseil d'État (lire sa décision) a en effet rejeté lundi 23 novembre l'appel formé par le ministère de l'intérieur et la commune de Calais qui contestaient une décision du tribunal administratif de Lille qui ordonnait la mise en place de mesures d'assainissement d'urgence. Parmi celles-ci : l'installation de points d'eau, de toilettes et de dispositifs de collectes des ordures supplémentaires. Cette ordonnance en date du 2 novembre appelait également au nettoyage du site, qui abrite 4 500 migrants selon la préfecture, et au recensement des mineurs isolés présents dans le bidonville, en vue de leur placement.

Le conseil d'État, qui lui donne donc raison, établit que « l’accès à l’eau potable et aux sanitaires est manifestement insuffisant », « qu’aucun ramassage des ordures n’est réalisé à l’intérieur du site, ce qui expose les migrants vivant sur le site de La Lande à des risques élevés d’insalubrité »et « que les véhicules d’urgence, d’incendie et de secours ne peuvent pas circuler à l’intérieur du site en l’absence de l’aménagement de toute voirie ». « Le juge des référés du conseil d’État a estimé que ces conditions de vie étaient bien de nature à exposer les migrants vivant sur le site à des traitements inhumains ou dégradants », insiste cette juridiction, la plus haute de l'ordre administratif, saisie en référé par le ministre de l'intérieur et la commune de Calais. En réponse au lancement de cette procédure, des associations venant en aide aux migrants – dont Médecins du Monde et le Secours catholique – avaient également fait appel, jugeant que les mesures imposées par le tribunal de Lille étaient insuffisantes. Cet appel a également été rejeté.

  • 20 novembre 2015. Décès d'un Irakien à Grande-Synthe

Un migrant irakien d'une vingtaine d'année est mort après avoir été percuté par une voiture à Grande-Synthe dans la nuit de jeudi 19 à vendredi 20 novembre, indique La Voix du Nord. Le drame a eu lieu sur la D601, au niveau d'un rond-point. Selon le décompte du blogueur Passeurs d'hospitalités, il s'agit du vingt-deuxième décès connu à la frontière britannique depuis le début de l’année, de Cherbourg à Dunkerque, les tentatives de passage ne se limitant pas à Calais.

Depuis plusieurs jours, le maire écologiste de Grande-Synthe, Damien Carême, alerte les pouvoirs publics sur le développement sur sa commune d'un bidonville, où vivent actuellement entre 1 200 et 1 500 personnes, dont il s'inquiète qu'il devienne un nouveau Calais. Dans un courrier au premier ministre, il a critiqué l'évacuation le 18 novembre du campement de Téteghem, redoutant qu'elle ait pour conséquence l'augmentation du nombre de réfugiés dans sa ville. 

  • 14 novembre 2015. Solidarité avec les victimes des attentats de Paris et Saint-Denis

Dans les bidonvilles de Calais et de Grande-Synthe près de Dunkerque, des manifestations de solidarité en soutien aux victimes ont eu lieu le 14 novembre. « Les réfugiés pleurent avec le peuple », ont-ils écrit sur une banderole. Alors que le procureur de Paris a confirmé le 16 novembre qu'un des kamikazes retrouvé mort près du Stade de France est passé par la route des Balkans ces dernières semaines, les exilés redoutent les amalgames entre réfugiés et terroristes. Ils craignent que leur « pire cauchemar » soit arrivé, comme en témoignent les reportages du site d’informations Irin en anglais et du Parisien

 

 

  • 13 novembre 2015. La « jungle » en proie aux flammes

Un incendie s'est déclenché peu après minuit dans la « jungle ». Quelque 2500 m2 de tentes et de cabanons ont brûlé. Aucun blessé ni mort n'est à déplorer, selon les informations de la préfecture du Pas-de-Calais, qui assure que le feu est maîtrisé. « Des moyens importants sont sur place. L’incendie n’est pas lié aux événements de Paris car c’est un feu d’origine électrique », a indiqué Régis Elbez, sous-préfet de permanence de la préfecture. Un correspondant de l’AFP présent sur place a observé le bouclage du périmètre et que le feu avait touché le sud-est du camp de la lande, où vivent en tout près de 4 500 migrants dans des conditions insalubres. On pouvait entendre le bruit de petites bouteilles de gaz exploser et une dizaine de camions de pompier étaient stationnées, a-t-il constaté. Le fort vent soufflant dans la nuit de samedi à dimanche dans la région a pu attiser les flammes lors du départ du feu. La situation entre les migrants et les riverains était calme, a également indiqué le correspondant de l’AFP.

  • 13 novembre 2015. Le ministère de l'intérieur fait appel de la décision du tribunal administratif

Le conseil d’État a fait savoir vendredi 13 novembre que l’État venait de faire appel de sa condamnation judiciaire à réaliser des aménagements sanitaires dans la « jungle ». Le recours devrait être examiné jeudi prochain. Selon une copie de l’appel, le ministère se justifie en affirmant qu’il « satisfait à ses obligations légales en matière d’hébergement d’urgence » et qu’il « n’a pas commis de carence dans l’exercice de ses pouvoirs de police ».

À la suite d'une requête de Médecins du monde et du Secours catholique, le tribunal administratif de Lille avait ordonné au préfet du Pas-de-Calais et à la municipalité de Calais d'installer divers équipements de base (des points d’eau supplémentaires, des latrines adaptées au terrain, un dispositif de collecte des ordures et des bennes en plus) ; il leur était également demandé de nettoyer le site, de créer un ou plusieurs accès pour permettre le passage des services d’urgence et le cas échéant le déplacement des conteneurs poubelle. Ces mesures devaient être réalisées dans un délai de huit jours à compter du jugement sous peine d’une astreinte de 100 euros par jour de retard.

  • 13 novembre 2015. L'État vise No Border

À la recherche de responsables après les nuits de heurts ayant eu lieu entre dimanche 8 et mercredi 11 novembre entre migrants et forces de l'ordre, le gouvernement vise le réseau No Border dont les activistes militent pour l'ouverture des frontières. Selon Europe 1, un jeune homme de vingt ans, soupçonné d'avoir participé aux violences, a été interpellé jeudi 12 novembre et placé en garde à vue. Alors que ces militants interviennent régulièrement aux côtés des réfugiés, le ministère de l'intérieur, par la voix de son porte-parole Pierre-Henri Brandet, les accuse d'être «des personnes irresponsables qui instrumentalisent la misère».

  • 12 novembre 2015. Camp en dur: les travaux commencent

Dans la « jungle », les travaux ont débuté jeudi 12 novembre. La création d'un camp en dur a été annoncée le 31 août lors de la visite du premier ministre Manuel Valls à Calais. Les autorités ont prévu d'installer 125 containers, isolés et chauffés, d'ici à la mi-décembre. Chaque container pouvant accueillir 12 personnes, 1 625 exilés – sur près de 6 000 – pourraient être ainsi mis à l'abri. Le financement de ces hébergements temporaires, dont le coût est estimé à 18 millions d’euros, est pris en charge par l’État et l’Union européenne. Il revient à l'association La Vie active, déjà gestionnaire du centre d'accueil de jour Jules-Ferry, d'embaucher du personnel (une cinquantaine de personnes) pour assurer le fonctionnement du nouveau camp. En attendant que ce dernier soit prêt, les migrants se voient proposer de rejoindre une « zone tampon » constituée de 50 tentes pouvant loger 10 personnes chacune.

L'État a été rappelé à l'ordre le 2 novembre par le tribunal administratif qui l'a sommé de réaliser divers aménagements dans la lande. Le ministère de l'intérieur fait savoir que des sanitaires ont été installés, permettant à 600 personnes de prendre des douches. Parallèlement, environ 2 000 repas sont servis chaque jour à Jules-Ferry.

Après avoir atteint 6 000 début d’octobre, le nombre de migrants regroupés dans la « jungle » est revenu à environ 4 500, selon les derniers chiffres fournis par la place Beauvau le 9 novembre. Ce recul s'explique par le fait que plusieurs centaines de migrants ont été envoyés, ces dernières semaines, dans des centres de rétention partout en France, tandis que d'autres – 1 083 au total selon la préfecture du Pas-de-Calais – ont été répartis dans des centres d'hébergement, également sur l'ensemble du territoire.

  • 12 novembre 2015. Exilés en rétention : Cazeneuve interpellé par Benbassa

Alertée par la presse et les associations sur le sort de migrants en transit à Calais envoyés par centaines dans des centres de rétention administrative (CRA) partout en France, la sénatrice EELV Esther Benbassa a fait usage de son droit d’entrer dans les lieux de privation de liberté pour vérifier ces dires par elle-même. Mardi 10 novembre, elle s’est rendue sans prévenir les autorités (comme le droit l’y autorise) au CRA de Vincennes pour y rencontrer des personnes retenues. Lors des questions au gouvernement, au Sénat, jeudi 12 novembre, elle a interpellé le ministre de l’intérieur sur ce sujet. Elle a dénoncé des « exfiltrations » à des fins électorales pour « désengorger Calais ». Depuis fin octobre, pas moins de 100 personnes venues de la « jungle » ont été enfermées à Vincennes. Elle affirme avoir rencontré, derrière les barreaux, « des gens perdus, exténués, humiliés, n’ayant rien à faire là ». Elle note que les arrivées depuis Calais se succèdent, les uns, relâchés, cédant la place aux autres, et fustige, dans le sillage des associations de défense des droits des étrangers présentes en rétention, dont l’Assfam, une « manipulation » juridique « attentatoire à la dignité des personnes » dans la mesure où la majorité des personnes passées par Calais sont inexpulsables car elles viennent de pays dévastés par la guerre ou la répression (lire nos articles ici et ). Pour faire entendre leur voix, sept réfugiés ont entamé une grève de la faim, fait-elle savoir.

Interrogée à la sortie du CRA par Mediapart, l’élue a observé le ressentiment des exilés à l’égard de la France. « Si je réussis un jour à passer en Angleterre, et je réussirai, je ne reviendrai plus jamais en France, même en vacances, jamais je n’y dépenserai un penny », lui a dit l’un d’entre eux. Étant donné l’accueil qui leur est réservé, aucun ne souhaite demander l’asile sur place. Leur « révolte » est également liée au fait qu’ils ne comprennent pas pourquoi certains sont libérés et d’autres pas. « Ils sont dans un désespoir total et un rejet, une haine de la France », ajoute la sénatrice, qui évoque le cas de personnes dont les empreintes digitales ont été prises en Allemagne et que les autorités françaises envisagent de renvoyer dans ce pays, en application des accords de Dublin III.

À la tribune, Bernard Cazeneuve est apparu courroucé par l'intervention d'Esther Benbassa, lui reprochant de « noircir le tableau » et de n'avoir pas parlé des « 1 000 » exilés ayant bénéficié « depuis dix jours » d'une mise à l'abri dans des centres d'hébergement, répartis – comme les CRA – sur l'ensemble du territoire. Fustigeant la « très grande irresponsabilité » de son interlocutrice, il s'est gardé de répondre à sa question, alors qu'au moins 600 exilés de Calais auraient été privés de liberté ces derniers jours.

  • 8-9-10-11 novembre 2015. Jets de pierre contre grenades lacrymogènes

Des heurts entre migrants et forces de l’ordre ont eu lieu pour la troisième nuit d'affilée de mardi 10 à mercredi 11 novembre, à proximité de la « jungle » alors que les exilés tentaient de ralentir, voire de bloquer le trafic sur la rocade portuaire pour pouvoir monter dans les remorques des camions. Le ministère de l’intérieur, qui a mobilisé 250 policiers, a qualifié la dernière nuit de « bien plus calme » que les deux précédentes. Les CRS ont néanmoins tiré une soixantaine de grenades lacrymogènes contre des petits groupes de migrants, contre en moyenne 300 les nuits d'avant. Au total, 27 agents de police ont été légèrement blessées à la suite de jets de pierre, selon la préfecture du Pas-de-Calais. Au moins un exilé aurait été blessé. Ces violences se produisent alors que les barrages policiers au port de Calais et à l’entrée du tunnel sous la Manche ont été renforcés, empêchant les passages clandestins. Malgré 300 tentatives par nuit en moyenne, plus aucun migrant n’a traversé la Manche depuis trois semaines, assure Fabienne Buccio, la préfète du Pas-de-Calais, ce qui explique en partie la montée des violences. « C’est la première fois que c’est aussi violent, a indiqué Gilles Debove, responsable du syndicat SGP Police – Force ouvrière dans le Calaisis. On est inquiets, si un jour on a une révolte au sein du camp, ça va être la folie. » Selon la Voix du Nord, la préfète a annoncé la mise en place d’un dispositif pour « sécuriser » les habitations des riverains. La maire LR de Calais, Natacha Bouchart a de nouveau réclamé l’intervention de l'armée, comme elle l'avait fait en octobre.

  • 9 novembre 2015. Rob Lawrie risque la prison pour avoir aidé une fillette réfugiée

Le 24 octobre, Rob Lawrie, un Britannique de 49 ans, a dissimulé une fillette afghane de 4 ans dans son véhicule pour rejoindre le Royaume-Uni. Arrêté au contrôle des frontières à Calais, cet ex-soldat est accusé d’aide à l’immigration illégale, délit passible d’une peine maximale de cinq ans de prison et d’une amende de 30.000 euros. « Je sais que j’ai commis un crime. Je ne pouvais pas laisser passer Bahar une nuit de plus dans cet endroit horrible. Et quand vous avez vu ce que j’ai vu[dans la « jungle »], toute pensée rationnelle sort de votre tête », indique-t-il dans un entretien à The Independant. Il raconte avoir quitté son travail pour venir aider bénévolement les réfugiés de la « jungle » après avoir vu les images d’Aylan Kurdi, l’enfant syrien dont le corps a été retrouvé échoué sur une plage turque. C’est lors d’un de ces séjours qu’il aurait rencontré Bahar Ahmadi et son père, Reza Ahmadi, menacé par les talibans, qui l'aurait sollicité à plusieurs reprises afin qu’il aide sa fille à rejoindre sa famille en Angleterre. Des pétitions de soutien circulent sur Internet.

  • 4 novembre 2015. « The French Republic wants to help you »

Faute de candidats à l'asile, l'État français invite les réfugiés syriens et irakiens à déposer une demande sur place, plutôt que de se rendre en Grande-Bretagne. Cette affichette, trouvée par des bénévoles à Téteghem, petite commune de l’agglomération dunkerquoise, est signalée par le militant Philippe Wannesson sur son blog Passeurs d'hospitalités.

  • 2 novembre 2015. La justice ordonne des améliorations dans la « jungle »

C'est une victoire pour le Secours catholique, Médecins du monde et les exilés irakiens, soudanais, afghans et syriens à l'origine de la requête : le tribunal administratif de Lille ordonne au préfet du Pas-de-Calais et à la commune de Calais des mesures d'urgence en faveur des migrants du bidonville. Parmi elles : la création de dix points d'eau supplémentaires et d'une cinquantaine de toilettes, la mise en place d'un dispositif de collecte des ordures, le nettoyage du site et l'accès des services d'urgence au camp.

Ces mesures doivent être lancées dans un délai de huit jours sous peine d'une astreinte de 100 euros par jour de retard, précise le juge dans son ordonnance. Le préfet est également sommé de recenser sous 48 heures tous les mineurs isolés en vue de leur placement.

  • 31 octobre 2015. Des centaines de migrants enfermés en rétention

Lors de sa visite à Calais, le ministre de l'intérieur promet des « tentes chauffées » aux exilés vivant dans le bidonville. Depuis, les placements en rétention se multiplient. Des familles sont séparées car les migrants interpellés sont envoyés aux quatre coins du pays. Les associations dénoncent un « recours massif » à la privation de liberté.

Témoignage de Mohamad déplacé de Calais au CRA de Toulouse © La Cimade

 

  • 28 octobre 2015. Des mesures pour améliorer les conditions sanitaire des migrants

Les ministres de l'intérieur et des affaires sociales annoncent des mesures visant à améliorer les conditions sanitaires déplorables dans la lande. Ils renforcent l'équipe médicale présente au centre d'accueil de jour Jules-Ferry (ouvert en janvier 2015 à proximité de la « jungle ») avec un médecin, un psychologue et un kinésithérapeute, réservistes de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus), sollicité en cas de catastrophe en France ou à l’étranger. Ces personnes sont appelées à intervenir afin d'augmenter le nombre des consultations et mener des actions de prévention (vaccination, contraception, etc.). Ces mesures font suite à de nombreuses alertes : celle du rapport du préfet Jean Aribaud et du président de l’Observatoire national de la pauvreté Jérôme Vignon, ainsi que celle du rapport rédigé par six médecins. 

  • 22 octobre 2015. Un parc d'attractions, Heroïc Land, en échange des « effets de la crise migratoire »

Voulu par la maire de Calais Natacha Bouchart, le parc d’attractions « Heroïc Land » devrait voir le jour en partie grâce aux fonds destinés à « compenser les effets de la crise migratoire » sur le Calaisis, selon les déclarations officielles se succédant depuis quelques semaines. Le contrat de territoire promis lors de la visite de Manuel Valls à Calais le 31 août devrait être financé à hauteur de 50 millions d’euros par l’État, selon la maire à l’issue d’une réunion à Matignon le 22 octobre. À cette somme s’ajoutent 70 millions débloqués par le département et la région. Seule une partie des fonds (la répartition n’est pas encore connue) irait au parc de loisirs, dont l’ouverture au public est programmée en 2019. Le reste s’orienterait entre autres vers l’aménagement de la zone de fret « La turquerie », la desserte de l’aéroport international de Calais-Dunkerque, la mise en accessibilité de dix collèges et le développement de la zone d’activités de la Briqueterie. Des voix s'élèvent pour dénoncer ce projet et demander la tenue d'un débat public.

  • 21 octobre 2015. Cazeneuve se rend à Calais

Pour la septième fois, le ministre de l'intérieur se rend sur place. Telle qu’il la présente, sa politique comporte deux volets : « humanité » et « fermeté » selon un diptyque repris sans discontinuer depuis quinze ans par les gouvernements de droite comme de gauche. D'un côté, en écho à l’appel de 800 personnalités publié dans Libération, il s’engage à mettre à l’abri 400 femmes et enfants, dont la moitié sous des tentes chauffées ; de l'autre, il accroît les effectifs des forces de l’ordre, le nombre de gendarmes et de CRS mobiles atteignant 1 125 agents (1 760 au total), soit plus d’un fonctionnaire pour six exilés. Nouveauté, il met en place une politique visant à éloigner les réfugiés de la ville. Pour cela, il offre 2 000 places d'hébergement en centres dédiés aux personnes acceptant de demander l'asile en France. Les autres se voient proposer une mise à l'abri, loin de Calais, pour un mois dans un centre d'hébergement.

  • 20 octobre 2015. La vie à Calais, « avec et contre » les migrants

Reportage dans une ville fracturée par la présence des réfugiés. Dans une région où Marine Le Pen est tête de liste, la maire LR de la ville Natacha Bouchart n'hésite pas à dire que les migrants sont une « richesse culturelle » tout en les reléguant dans une ancienne décharge. Entre gestes de solidarité quotidiens et manifestations bras tendus, les habitants sont pleins d'ambivalences.

  • 7 octobre 2015. « Médicalement, ce que nous avons vu est inacceptable »

Le Monde publie la tribune de quatre personnes, dont trois soignants, qui racontent leur expérience dans la « jungle » aux côtés des migrants. « On ne s’y croit plus en France mais dans un pays pauvre. Ou en guerre. Ou victime d’une catastrophe », écrivent-ils. Ils y livrent ce témoignage : « Nous avons vu des enfants livrés à eux-mêmes, sans adulte référent. Des femmes seules errant. Comme cette Érythréenne de 25 ans affligée d’une profonde cicatrice sous l’oreille gauche, qui souffrait de céphalées chroniques et de troubles de l’audition, séquelles d’une agression survenue quatre mois plus tôt en Libye. Elle avait passé la nuit dehors et paniquait à l’idée d’en passer une seconde, car des hommes avaient voulu l’emmener de force dans leur tente. Nous avons appelé le centre Jules-Ferry. Qui l’a inscrite en position 56 sur la liste d’attente. Nous nous sommes vus lui donner un duvet et lui trouver un petit coin dans la tente d’une autre Érythréenne. Le lendemain, on l’a trouvée en pleurs. On saura seulement que le mari de l’autre femme était revenu ivre dans la nuit. Elle gardera pour elle les détails. Et nous notre honte de ne pas l’avoir mise à l’abri. »

  • 1er octobre 2015. Des « ratonnades » en série chez les migrants de Calais

Au moins neuf réfugiés ont été tabassés et aspergés de gaz lacrymo, après avoir été enlevés la nuit par les passagers d’une voiture noire, apprend-on par Libération. Les associations dénoncent l’immobilisme de la police.

  • 31 août 2015. Le premier ministre annonce la construction d’un camp en dur

Manuel Valls visite le centre d'accueil Jules-Ferry au pas de course. Alors que 6 000 personnes vivotent dans la « jungle », il propose d'en mettre 1 500 à l'abri dans des containers. Et encore, pas avant janvier 2016.

  • 29 juillet 2015. Des noms derrière les migrants morts à Calais

Libération lance un projet visant à donner un nom et un visage aux personnes ayant perdu la vie en tentant de rejoindre la Grande-Bretagne. En 2015, au moins vingt migrants sont morts à Calais avant d'atteindre leur but.

  • 3 juillet 2015. De Sangatte à la « new jungle », quatorze ans d'incurie politique

 

 

 

Des campements, des conditions de vie insalubres et indignes, de la répression policière, des expulsions, des morts... Entre 1999, année d'ouverture d'un centre d'accueil pour les immigrés sans papiers à Sangatte, et 2015, rien de nouveau en dépit du nom du lieu dans lequel s'entassent aujourd'hui des milliers de migrants : la « new jungle ». C'est ce que montre le travail photographique d'Olivier Jobard, qui, depuis 2001, se rend régulièrement à Calais et dans les environs.